Acte III. Le nombril du monde

C’est un morceau de caillou de 24 kilomètres sur 12, jeté au beau milieu du Pacifique.
L’île la plus isolée au monde se situe à 3700 kilomètres des côtes chiliennes et à 4000 kilomètres de Tahiti. Nous voilà, Robinsons pour quelques jours, sur l’île mythique de Rapa Nui.

Accueil polynésien.

La piste d’atterrissage est une balafre qui se jette dans la mer. À l’aéroport de Mataveri, colliers de fleurs autour du cou, la chaleur est suffocante. Nous sommes surpris par la végétation luxuriante qui ceinture Hanga Roa, l’unique village de l’île. Notre auberge de jeunesse est un eldorado perdu au milieu des bananiers, frangipaniers et hibiscus géants. Nous découvrirons vite que la première impression est trompeuse, le reste de l’île étant une étendue de lave aride, en proie aux rayons mordants du soleil. L’été austral bat son plein, les brûlures aussi. D’ailleurs, j’en garde le souvenir de mon tout premier coup de soleil à 30 ans passés !

Un caillou volcanique au milieu du Pacifique.

Là, on a cherché des tortues... en vain.

Les supermercados, approvisionnés par le continent, sont quasiment vides. Il n’y pas de timbres à la Poste ? Qu’à cela ne tienne, le courrier attendra. Ici, rien ne presse. La vie s’écoule au rythme des vagues et du soleil. À l’horizon, nul bateau pour cadencer les journées. Hors du temps, au milieu de cette mer infinie dont rien ne vient troubler la sérénité, “Rapa Nui” est bien le nombril du monde. Parfois, une frégate déploie ses ailes de ptérodactyle dans le ciel uniformément bleu. J’ai l’impression que même la nuit y est plus dense qu’ailleurs, et le silence plus intense (sauf quand les chiens errants, qui sont légion, vous prennent en chasse une fois le soleil couché).

Petit déjeuner local.

3800 Pascuans peuplent ce triangle volcanique loin de tout. Pour ces descendants de polynésiens, qui parlent espagnol, l’histoire est tissée de luttes et d’injustices. Au fil des siècles, esclavage, maladies introduites par les colons, ont décimé la majeur partie d’une population déjà affaiblie par les guerres tribales. En 1877, il ne restait que 111 personnes sur l’île.

Des chevaux et des Moaï

Fiers d’une identité qu’ils redécouvrent et se réapproprient, les jeunes portent volontiers le chignon de leurs ancêtres et se font tatouer comme les maoris. Parfois, on surprend dans le regard d’un adolescent juché sur un cheval une lueur de défi.

Petit Pascuan.

Mais dans l’ensemble, les insulaires se révèlent d’une grande gentillesse. Dès le plus jeune âge, les Pascuans vivent dans l’eau. Ce sont des enfants-poissons, qui grandissent au milieu des diodons et des tortues. Adolescents, ils maîtrisent aussi bien l’art de chevaucher les vagues que les équidés qui paissent paisiblement dans le cratère des volcans éteints.

Point de cheval pour nous, mais une monture mécanique capable d’avaler des pistes cabossées.

Easy riders

Un scooter de location nous permet de rallier tous les sites archéologiques de l’île, dont la baie d’Anakena, au nord. C’est dans cette anse bien aimée des dieux, où se love la seule plage de sable blanc de l’île que débarqua, 200 ans avant nos maillots de bain, l’expédition de Lapérouse. Il faut y goûter la douceur d’une baignade dans les eaux lagon du Pacifique et d’une part de gâteau à la banane pour comprendre la signification du mot “paradisiaque”. Peu à peu, le rythme tranquille de l’île gagne du terrain dans nos cerveaux stressés. Pourquoi s’agiter, se tracasser ? Le soleil de midi efface les ombres et les doutes. Les Moaï, qui défient les âges, invitent à adopter la sérénité des pierres. À contempler les statues ancestrales, dont le soleil couchant étire les silhouettes, je mesure toute la chance d’être là, dans ce bout du monde où seul un rêve tenace peut vous conduire.

Or incandescent sur les Moaï.

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